Carte blanche

« Les difficultés de mobilité des jeunes et des familles sont- elles une entrave à leurs droits fondamentaux ? »

Carte Blanche réalisée par le collectif Interpel’AMOs regroupant des AMO répartis sur l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette expérimentation d’interpellation collective à l’échelle communautaire est le fruit de plusieurs rencontres de travailleurs en milieu urbain, semi-urbain et ruraux réunis autour de la problématique de l’accès à la mobilité pour les jeunes et les familles accompagnés par leurs services.

Les AMO s’adressent aux jeunes âgés de 0 à 18 ans, voire 22 ans (selon leur agrément), dans leur milieu de vie. Lieu d’accueil, d’écoute, d’informations, d’orientation, les AMO proposent également un accompagnement éducatif et social du jeune, de sa famille et/ou de ses familiers, qui vise à favoriser l’épanouissement du jeune dans sa vie quotidienne. Ils soutiennent des projets menés par, avec et pour des jeunes. La relation de confiance avec le jeune est primordiale. Les AMO respectent une déontologie stricte qui garantit aux jeunes la confidentialité et l’anonymat. Ils travaillent en l’absence de tout mandat administratif ou judiciaire. Le service est gratuit. Les AMO peuvent également interpeller les autorités politiques et administratives sur des problématiques spécifiques liées aux jeunes.

INTERPEL’ AMO BILISATION

C’est le lien entre Mobilité et notre collectif Interpel’AMOs ouvert aux services AMO de la Communauté Française autour de leur mission commune d’interpellation. Celle-ci vise à influer sur les dysfonctionnements sociétaux identifiés lors de nos actions et travail quotidien auprès des jeunes et des familles : « mise en mobilité de la société » (Le Breton, 2006) !

« Interpeller, c’est faire exister la parole de quelqu’un dans la pensée d’un autre, qui n’a pas vraiment ce point de vue-là, cette sensibilité » (ASBL RTA, 2018, p.3).

En tant que travailleurs sociaux, les membres du collectif envisagent de faire remonter des constats de terrain auprès des politiques mais également du grand public. Les AMOs se veulent le relais des jeunes et des familles accompagnés par leurs services.

La mobilité peut être physique, géographique, migratoire (relever d’un mouvement corporel effectif de l’individu), professionnelle, scolaire ou éducationnelle (changement de poste, de fonctions, d’établissement, d’orientation), sociale (changements de place, de statut dans une société, y compris transgénérationnels). Elle peut être aussi virtuelle (avec les technologies de la communication), voire imaginaire, fantasmée (au contact, par exemple, des œuvres de fiction)(D. Coste & M. Cavalli, 2015, pp 15-18)

« Le droit à la mobilité peut être défini comme l’accès d’un individu à ses activités quotidiennes. Ce droit a gagné en légitimité car il conditionne la plupart des autres droits socio-économiques (se nourrir, travailler, se soigner, s’éduquer, se cultiver, avoir une vie sociale) et politiques (voter, participer). Sous cet angle, le droit à la mobilité qui était une aspiration (une émancipation) devient une condition » (SPW, 2016).

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LA MOBILITE IMMOBILISE NOS DROITS

Par « droit à la mobilité », il faut entendre non seulement le « droit de circuler », mais surtout le « droit équitable à l’accès et aux moyens de circuler ».

Ci-dessous 4 droits qui nous semblent en péril, bafoués, faute de mobilité :

DroitsExemples d’entraves causées par un souci de mobilité
Droit à la santé–  Impossibilité ou interruption de suivis chez les spécialistes.–  Pénurie de médecins qui ne se déplacent presque plus à domicile.
Droit aux relations sociales–  Impossibilité ou interruption des droits de visites (espace rencontre, institutions diverses…).–  Les cités sociales situées en milieu rural ou en périphérie des zones urbaines créent un isolement social.
Droit à l’éducation–  Choix d’école par défaut (ce qui est accessible et pas ce qui est bénéfique pour le jeune).–  Difficulté de participer aux réunions de parents
Droit à la culture/loisirs–  « Fracture sociale » lors d’activités ou festivités non accessible à tous.–  Accès gratuit aux musées tous les 1ers dimanches du mois mais offre de transports en communs limitée le week-end.

NE PAS POUVOIR SE DEPLACER EST UN FACTEUR D’EXCLUSION !

Nous avons pu relever dans nos constats que la mise en œuvre de la déclaration internationale des droits de l’enfant était entravée lorsque les jeunes et familles, surtout plus fragiles, ne parviennent pas à se déplacer aisément dans leur quotidien. Favoriser une meilleure justice sociale à ce niveau tout en mettant en lumière des situations de terrain intolérables en proposant des actions possibles (existantes ou pas) nous semblaient primordiales dans nos travaux.

Cette problématique creuse également le fossé des inégalités sociales dans plusieurs domaines, même si le collectif se réjouit des engagements du nouveau gouvernement wallon dans sa déclaration de politique régionale en matière de mobilité, notamment, afin de diminuer de 55 % les gaz à effet de serre pour 2030 :

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  • –  Instauration progressive de la gratuité des transports pour les moins de 25 ans,
  • –  Augmentation des investissements dans les TEC afin d’améliorer l’offre de bus surl’ensemble du territoire,
  • –  Amélioration de la politique ferroviaire,
  • –  Augmentation de l’usage du vélo,
  • –  Instauration de centrales de mobilité,
  • –  Promotion du co-voiturage.Cependant, il existe également un engagement pour tout état de respecter les besoins fondamentaux de chaque enfant. Il nous semblait donc primordial de mettre l’éclairage sur celui-ci afin que ces politiques profitent à tous les enfants et parents sans exception. Comme le rappelait Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la Fédération des Services Sociaux (FdSS-FdSSB) dans sa carte blanche du 16 août 2019 dans le Vif/L’Express : « c’est toujours de la question climatique que l’on part pour établir des programmes et prendre des mesures et jamais (ou alors trop peu) de la justice sociale » (Nieuwenhuys, 2019).On remarque peu d’évolution en matière d’amélioration des déplacements quotidiens ces 15 dernières années. Selon une recherche réalisée en 2004 par Dominique Mignot, il s’avérait que le lien entre mobilité et inégalités sociales se situait souvent dans l’accès à la voiture. En effet, l’augmentation de l’accès au véhicule individuel diminue les inégalités sociales en terme de mobilité, constat encore d’actualité aujourd’hui. Or, la révision des taxes de circulation et de mise en circulation projetée par le nouveau gouvernement afin d’encourager des voitures moins polluantes risque malheureusement de se faire au détriment des revenus les plus faibles. On notera également que le coût des transports en commun est un frein aux déplacements, même pour les personnes disposant d’un véhicule. Le collectif constate notamment que l’usage du bus est souvent un usage « par défaut » destiné aux familles sans véhicule et non un choix de la part des usagers.Dans l’usage des transports en commun, le coût des transports est tellement élevé que certaines familles préfèrent risquer l’amende, et donc l’endettement, plutôt que de prendre un ticket qu’elles sont dans l’incapacité de payer dans l’immédiat. Les familles se retrouvent, dès lors, en situation de “hors-la-loi” pour parvenir à se déplacer. Ces dispositions doivent donc permettre à tous les jeunes et les familles sans exception de se déplacer sans contrainte. Des initiatives existent sur le terrain et pourraient être amplifiées et développées (plateforme de co-voiturage dans plusieurs communes, Point MOB, taxis sociaux) mais comment les familles à faible revenus peuvent-elles accéder à ces structures si elles n’ont pas accès à internet ou si elles ont des difficultés avec la lecture et l’écriture (10% de la population adulte concerné en Wallonie) ?Dans toutes les mesures prises il nous paraît donc essentiel d’en tenir compte.Comme le rappel très justement le SPW dans le portail de la cohésion sociale, « la question de la « norme de mobilité » se pose également. En effet, la capacité de mobilité a été indiscutablement un outil de construction de soi, puis un besoin. Comment peut-elle demeurer (ou redevenir) une capacité partagée si les inégalités se creusent ? Et comment concilier besoins légitimes d’épanouissement et d’accès à des services avec mobilité à prescrire ou consommer avec modération » (SPW, 2016).3
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Faisant suite à nos constats multiples, notre action de prévention vise à soutenir un investissement pour une mobilité « jeunes et familles » ainsi qu’une meilleure accessibilité à l’information (connaissance de toutes les dispositifs mis en place sur un territoire urbain ou rural).

Le collectif recherche des témoignages et réactions par rapport à ce sujet dans l’optique de nourrir ces constats pour ses prochaines actions, vous pouvez réagir par email : interpelamos@outlook.be

Pour le Collectif Interpel’AMOs : Le groupe Mobilité :

Agora Jeunes (Comines), AJMO (Charleroi), AMOSA (Ath), Arkadas (Fléron), Arpège (Tertre), Cap Sud (Malmedy), Chlorophylle (Saint-Hubert), Color’Ados (Braine l’Alleud), Dinamo (Dinant), Globul’in (Dinant), GRAINE (Antoing), Inter-actions (Libramont), La Teignouse (Comblain-au-Pont), Latitude J (Herve), Mikado (Chatelet), Point Jeune Luxembourg (Virton), Tempo (Nivelles)

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Bibliographie :

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  • –  Coste, D. & Cavalli, D. (2015). Education, mobilité, altérité – Les fonctions de médiation de l’écolePp 15-18. Retrieved from the Web site of Conseil de l’Europe, Unité des politiques linguistiques https://rm.coe.int/education-mobilite-alterite-les-fonctions-de-mediation-de- l-ecole/16807367ef
  • –  Le Breton, E. (2006). Mobilité et inégalités socialesPaper presented at the 603rd Conférence de l’université de tous les savoirs du samedi 7 janvier 2006. Retrieved from https://www.lemonde.fr/savoirs-et-connaissances/article/2005/12/29/eric-le-breton- mobilite-et-inegalites-sociales_725367_3328.html
  • –  Mignot, D. (2004). Transport et justice sociale. Reflets et perspectives de la vie économique, 2004/4, tome XLIII, pp. 123-131. Retrieved from https://www.cairn.info/revue-reflets-et- perspectives-de-la-vie-economique-2004-4-page-123.htm
  • –  Nieuwenhuys, C. (2019). Pour répondre à l’urgence climatique, répondons d’abord à l’urgence sociale. Le Vif/L’Express. Retrieved from https://www.levif.be/actualite/belgique/pour-repondre-a-l-urgence-climatique-repondons- d-abord-a-l-urgence-sociale/article-opinion-1177561.html
  • –  SPW (Service Publique de Wallonie). (2016). Droit à la Mobilité. Portail de la cohésion sociale. Retrieved from http://cohesionsociale.wallonie.be/droits/mobilite